Pérégrinations en terres indienne, cambodgienne, laotienne, indonésienne ..

- Brice Kester 2011 -

22 juin 2011

Cérémonie à Tegallalang - Jour 2


Il a plu toute la nuit à Ubud. Il est 3:00, le réveil a sonné et dans une heure nous devons être à Tegallalang pour le début des cérémonies. Nous sommes partagé entre une grande fatigue et l’excitation d'une grande journée qui s'annonce.
Nous arrivons à 4:00. Seul deux personnes attendent à l'entrée et nous préviennent que les cérémonies ne sont finalement annoncés qu'à 5:00 ! Ça nous laisse le temps de parler de la pluie et du beau temps et d'apprendre qu'ici il n'a pas plu une goutte cette nuit. Les dieux sont à l’œuvre ?


À 5:00 toujours personnes. Les balinais ne sont pas si ponctuels que ça... Il nous faut finalement attendre jusqu'à 6:00. 
La mère de Cariani arrive magnifiquement vêtu d'un beau jaune-doré. Les trois hommes qui l'accompagnent portent en plus le blanc, signe de pureté. Les deux couleurs sont celles de Bali. Tous les quatre sont là ce matin pour la grande cérémonie du limage de dents.

Une fois dans sa vie, tout balinais passe par cette étape essentielle qui le délivre des forces animales du corps. Les six dents limées de la mâchoire supérieur correspondent à six mauvais esprits qui doivent être chassés : l’intempérance, la jalousie, la colère, la cupidité, la luxure et la folie.
Et puis les dents égalisés, on acquière aussi un très jolie sourire.
Généralement, cette cérémonie se déroule au moment du passage à l'âge adulte.
Dans la famille qui nous reçoit aujourd'hui ce sont quatre personnes d'une quarantaine d'années qui franchisse le pas. L'émotion est d'autant plus forte.
Je fais remarquer à Erin que ce sont ces mêmes personnes qui ont toujours eu des regards répulsifs quant à notre présence. Je comprends mieux pourquoi maintenant.

Cariani reste à nos côtés et nous explique chaque moment.

Alors que le Brahmane prépare l'autel, trois des protagonistes vont s'enfermer dans la maison des invités. Le premier à commencer est porté par deux hommes pour rejoindre l'autel. Il n'a pas le droit de poser un pied à terre. C'est un moment qui détend plutôt l'atmosphère ; il n'est pas léger le p'tit père !
















Et puis la cérémonie commence. Un attroupement se ressert autour de l'autel et quelques femmes commencent à entonner des chants. Le prêtre ponctue ces chants par des énonciations et entame bientôt le fameux limage de dents. Nous ne voyons rien et n'osons pas nous approcher.





Mais voilà qu'après ce premier homme, la deuxième a s'avancer est la maman de Cariani. Nous l'accompagnons discrètement pour assister au moins une fois à l'opération.
Tout commence par des prières face au(x) dieu(x) représenté(s) par une magnifique composition de feuillages découpés et pliés, puis face au prêtre avant d'être allongée sur l'autel.





















C'est à la fois avec une certaine crainte et une immense joie qu'elle offre sa bouche au maître de cérémonie. On se croirait chez un dentiste d'un autre âge mais toujours avec la même boule au ventre avec cette position dominée et contrainte d'être allongé. Il n'y a plus qu'à serrer les doigts.
Le prête, lui, s'amuse, fait le spectacle ! Il harangue de grands gestes, monte les bras, y retourne à maintes reprises, mais toujours avec le soucis de ne pas faire mal.




Et puis vient le dénouement de l'histoire. "Est-ce que ça vous va chère madame ?"
Tout est dans les regards complices qu'ils s'échangent. Que d'émotions.


























Mais tout bon spectacle en redemande et il faut maintenant, peaufiner, égaliser, perfectionner pour que tout soit parfait.
















Cariani à droite sur la photo ci-contre, captivé par tout ce qui vient de se passer voit sa mère heureuse à admirer sa nouvelle dentition et une vie plus spirituelle qu'animal qui commence. Rires et larmes ne mettent pas longtemps à rejoindre ce moment intense.






S'en suit une photo de famille où l'on retrouve la maman de Cariani, son frère, elle-même et son père tous heureux d'être réunis en cette belle journée.
Au moment de prendre moi aussi la photo, la maman de Ciariani me lance un regard qui en dit long. Encore plus gêné d'être là en ce moment trop important pour elle, mais aussi invité par sa fille à y prendre pleinement part, je suis la philosophie de ces 3 jours de cérémonies où on a le droit de tout se dire. Je prends les devants et vais lui montrer la photo de la famille que je viens de prendre et celle où on la voit avec sa fille. Je promet aussi de leur remettre un DVD avec toutes les photos prises pendant ces 2-3 jours passés avec eux. C'est un minimum. J'ai le droit a un grand sourire qui suffit à gommer, et la barrière de la langue, et la barrière morale qui s'était installé.

Au petit-déjeuner de 10:00 un des hommes qui ait passé ce matin sur l'autel nous a également adressé la parole pour nous remercier d'être là et d'avoir fait l'effort de nous lever si tôt. Il nous invite à repasser le jour où nous reviendrons à Bali. Je tombe des nues et suis heureux que les quelques regards posés sur nous par moments se soient tous envolés.

Cela en dit aussi long sur ce qu'ils ont dû vivre intérieurement ces derniers jours et ces dernières heures.



Après le repas nous partons pour une heure de voiture jusqu'à une grotte sacrée. Mais c'est d'abord sur la plage que tout le monde se réunit pour rendre hommage au dieu de la mer. La cérémonie habituelle est entamée avec encens, fleurs et eau purifiée, face à l'océan.


















Ensuite tout le monde descend jusqu'au bord de l'eau sur cette plage de sable noir de résidus volcaniques. Un homme tient un canard noir par les ailes pendant que d'autres se mettent à l'eau.
















Le canard est jeté en offrande et ces nageurs part jouer avec le pauvre animal. Je ne sais pas ce qu'il devient, ne l'apercevant plus.















Cariani n'est jamais sans son portable. Son chéri est parti à Jakarta et depuis ils comblent le vide par des textos à longueur de journée. D'autres femmes, ayant passé l'âge sont plus impliqués et portent maintenant leurs offrandes jusqu'au temple de l'autre côté de la route.






Notre "rasta-man" mystérieux marche seul face aux éléments. Est-il encore en train de prier les dieux pour que la pluie reste à l'écart des cérémonies ?






Quelques minutes plus tard tout le monde prend le chemin qui mène au temple qui abrite la grotte aux chauves-souris, plus connu sous le nom de "Goa Lawah".
 
Fondé en 1007 par Empu Kuteran, il a la réputation de porter chance et d'être l'un des 9 "kayangan jagat" qui sont des temples directionnels protégeant Bali des mauvais esprits.



















Les femmes apportent toutes des offrandes. Les paniers qu'elles portent sur la tête sont encore des fruits, des légumes, des fleurs. Il y a même une oie bien arnachée dans un baluchon.


































Les premiers hommes s'installent pendant que les femmes et les enfants rejoignent l'entrée de la grotte.























Si les femmes vont surtout déposer leurs offrandes, les gamins vont admirer le spectacle qui leur est offert. Des milliers de chauve-souris tapissent totalement les parois de la grotte. Il y a de quoi rester bouche bais face à une telle concentration.
Personne ne rentre plus dans cette grotte depuis longtemps mais des légendes courts que d'immenses créatures vivent à l'intérieur. Dewa nous a dit avoir déjà aperçu de grands et gros serpents blanc !!!































Mais le plus important pour la famille c'est bien la prière qu'ils sont venus faire ici. L'oie accrochée nous pouvons aller nous asseoir et vivre ce nouveau moment de communion avec eux.















D'abord ce sont les enfants qui commencent par la distribution des bâtonets d'encens et des pétales de fleurs.



























Bien installés, nous voilà tous prêt pour commencer cette nouvelle prière collective.





























S'en suit comme à chaque fois, une sorte de bénédiction à l'eau sacré que nous buvons, et la distribution de riz à manger et à coller sur notre front et notre cou.

















Tout le monde se lève, il est déjà l'heure de repartir vers Tegallalang.



Je ne résiste pas à prendre en photos ces magnifiques fleurs de frangipanier qu'on retrouve partout sur l'île. Elle est la fleur emblématique de Bali pour moi.












Je ne peux pas non plus résister à figer ce dernier instant de nos deux jours passés avec Cariani où elle pose avec son amie ? sa cousine ? Elles sont ravissantes.












"Tout le monde dedans ! On rentre au bercail !"

Nous avons plus de chance, nous rentrons avec Cariani à 4 dans sa voiture.
En route nous avons une discussion très inattendue sur les cérémonies. Cariani nous demande si nous aussi nous avons des cérémonies lors de l'acquisition d'une voiture, d'un scooter ou d'une maison ?
Notre réponse l'étonne beaucoup et la choque presque. Ça lui semble invraisemblable !
Ici elle doit appeler le prêtre pour lui demander de venir par exemple bénir la voiture qu'elle veut acheter. Seulement le prête décide du meilleur moment pour cette cérémonie et cela peut attendre plus d'un mois ! Elle me dit que certains prennent le risque de conduire sans attendre la bénédiction, mais c'est à leur risque et péril !
C'est une autre façon de voir l'assurance auto ...

Un immense merci à Cariani, sa famille, Dewa son cousin, et toutes ces personnes qui nous ont accepté pendant ces 2 jours de cérémonies et qui nous ont fait vivre bien plus que leur quotidien, un moment privilégié à leurs côtés dans le plus grand respect.

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